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Le réveil de la vouivre
31 décembre 2019

chapitre 7

Sur l'horizon teinté de rose Vénus scintillait d'un éclat métallique. Depuis la cour de l'auberge "Apostol", Alex contemplait en rêvant les toits de Puenta-la-Reina au dessus desquels s'élevaient des volutes bleutées ....

 

Puenta la Reina au petit matin

 

Meritxell et Carlos sortirent ensemble quelques instants plus tard, ils riaient aux éclats en baragouinant dans un sabir où se mélangeaient, castillan, canarien et patois pyrénéen. Alex ressentit un petit pincement au creux de l'estomac.

Carlos avait soigné son look de surfer, cheveux blonds retenus par des lunettes de soleil, tee-shirt coloré et bermuda à fleurs. Meritxell avait simplement remis les vêtements de la veille comme le faisait la plupart des pèlerins. Alex la trouva cependant ravissante, mais il ne sut dire qu'une banalité ....

  • Bon, on ne traîne pas trop, Estrella se trouve à vingt-huit kilomètres avec quelques dénivelés importants.

Carlos hocha la tête en posant son sac contre un arbre. Il en retira sa gourde.

  • Un instant s'il te plaît, je vais chercher de l'eau.

Un couple de canadiens sortit au même instant de l'auberge. Alex les avait rencontrés quelques jours auparavant entre Ronceveaux et Larrassoaña, depuis leurs chemins ne cessaient de se croiser.

  • Bonjour André, bonjour Victoire.

  • Bonjour Alex - répondit le québécois – bien dormi ?

  • Oui parfaitement ! Pour une fois, il n'y avait pas de ronfleur à côté de moi. Vous allez jusqu'à Estrella aujourd'hui ?

  • On ne sait pas, Estrella ou Villatuerta, ça dépendra de l'état de nos pieds. Mais on passe d'abord au village pour chercher du ravitaillement. « Buen camino »... et peut être à ce soir.

  • « Buen camino »! - répondit le jeune homme.

    Carlos revenait, Alex enfila son sac, Meritxell les attendait au portail d'entrée

 

Le chemin suivait le tracé d'une ancienne voie romaine bordée de fenouil, de touffes de thym et de lavande. Puis la garrigue céda la place aux vignes et aux oliviers et les clochers de Cirauqui apparurent perchés au sommet d'un mamelon pentu.

 

 

cirauqui

 

 

Passablement essoufflés après une interminable montée le long de pittoresques ruelles ombragées les trois jeunes gens débouchèrent enfin sur la place du village. En son centre, la lumière rasante du soleil illuminait l'église de façon irréelle. Les rayons dorés accentuaient chaque entrelacs du portail d'entrée typiquement mozarabe.

Meritxell se tenait aux côtés d'Alex, elle paraissait tout aussi sensible que lui à la beauté des pierres ocres qui brillaient dans l'air matinal.

 

Tandis que Carlos cherchait un café ouvert, les silhouettes d'André et de Victoire se dessinèrent le long des remparts qui bordaient la place. Alex leur fit un signe de la main pour qu'ils se joignent à eux, mais les deux québécois préférèrent poursuivre leur chemin.

 

 

 

 

dsc04683

 

Le jeune homme avait sorti son appareil photo et mitraillait l'église sous tous les angles.

  • C'est superbe - dit Alex – quand je vois ça je ne peux pas m'empêcher d'avoir honte.

  • Pourquoi ?

  • J'ai honte de mon époque, de mes contemporains, de moi ... Je me demande ce que nous, nous allons laisser aux générations à venir...

Meritxell tourna vers lui des yeux brillants.

  • Qu'est ce que tu veux dire ?

  • Il y a mille ans des hommes ont su construire ces merveilles alors qu'ils étaient arriérés, sans éducation, démunis de tout.

La jeune fille sursauta mais Alex continuait.

  • Aujourd'hui nous sommes riches, nous disposons d'une technologie inégalée, nous sommes évolués - il insistait sur chaque syllabe - et que fabrique t'on ? des supermarchés, des buildings et des autoroutes. Je me demande simplement comment nous serons jugés par nos descendants dans cinq siècles ....

Meritxell répondit d'une voix très douce.

  • Un jour, d'autres hommes bâtiront de nouvelles merveilles. Il faut rester optimiste. Certains connaissent encore le secret de l'univers.

    Alex la dévisagea en fronçant les sourcils.

  • Et ce secret c'est ?

    La jeune fille resta silencieuse un long moment avant de répondre.

  • L'harmonie... l'harmonie qu'il nous faut apprendre à copier pour nous améliorer.

  • Qu'est ce que tu veux dire ?

  • Regarde ce paysage. - de la main elle englobait le panorama qui s'étendait devant eux. - Est ce que quelque chose te choque ?

    Sur la terre rouge de la Rioja les feuillages argentées des oliviers scintillaient. Plus loin, sur l'horizon, une brume très légère estompait les contours des montagnes de Castille en leur donnant une tonalité bleutée.

  • Non ...

  • Regarde bien les couleurs. Il y a du bleu, du rouge, du vert, du jaune, du rose... et pourtant rien ne vient briser l'impression de paix qui s'en dégage. Je te donne les mêmes couleurs et je te demande de colorier un dessin de ce paysage. Je ne suis pas certaine que tu obtiennes le même résultat. C'est cela l'harmonie....Carlos nous appelle, tu viens ?

    Le jeune homme, installé à la terrasse d'un bistrot leur faisait de grands signes, il avait commandé trois cafés.

 

Un quart d'heure plus tard ils reprirent la route. Les trois jeunes gens discutaient avec animation lorsque le bourdonnement d'un hélicoptère couvrit leurs voix.

Le chemin serpentait sous le couvert de chênes verts puis plongeait vers une plaine déserte. Seules les silhouettes de Victoire et d'André, loin devant, se détachaient au milieu des vignes et des champs d'oliviers.

L'hélicoptère décrivait des cercles à quelques mètres au dessus des deux québécois immobiles avant de se poser au milieu du chemin. Des hommes vêtus de noir en sortirent, encerclant les canadiens avant de les forcer à monter dans l'appareil.

 

L'hélicoptère s'éloignait dans un vrombissement aiguë. Carlos se mit à crier.

  • Ils ont été enlevés ! Vous avez vu ? les canadiens ne voulaient pas monter. Ils ont été enlevés !

Alex observa le canarien avec surprise.

  • Oui, Carlos ! Calme toi. André et Victoire sont montés dans l'hélicoptère et ils ne semblaient pas d'accord. C'est tout ce que l'on peut dire... C'est pas la peine d'ameuter toute la contrée.

Il se tourna vers Meritxell qui serrait les poings, le visage blême.

  • Qu'est ce que tu en penses toi ?

La jeune fille murmura.

  • J'ai peur !

  • Tu crois toi aussi qu'ils ont été enlevés ?

  • Oui ! Mais ....

Elle hésitait, Alex la sentait réticente.

  • Mais quoi ?

  • Ils se sont trompés .

  • Comment ça – s'exclama Carlos - comment ça trompés ? Qui s'est trompé ?

  • Ce n'étaient pas les canadiens qu'ils voulaient enlever ... mais nous !

Carlos se tut, Alex se figea. Meritxell continua à voix basse.

  • Ce sont les mêmes types qu'à l'église hier !

Le jeune homme fronça les sourcils.

  • On était trop loin pour les reconnaître...

  • Pas les mêmes individus, mais la même équipe.

  • Je n'arrive pas à te suivre.

  • Attends, réfléchis un peu, monsieur le professeur ! Ils cherchaient deux personnes, un homme et une femme. Nous avons le même âge, la même allure que tes amis canadiens et à quelques minutes près on était à leur place. Si nous n'avions pas pris un café à Cirauqui, ils ne nous auraient pas doublés ...

  • Pourquoi ils vous rechercheraient ? - demanda Carlos brusquement soupçonneux.

Meritxell hésitait à parler.

  • Je pense que c'est moi qu'ils cherchent puisque je connaissais monsieur Juanes, l'homme assassiné ... je ne sais pas pourquoi mais je dois être un témoin gênant à leurs yeux.

Alex dubitatif hochait la tête pour montrer son incompréhension.

  • On ne sait rien des hommes de l'église, on ne sait pas qui a assassiné ton ami et on ne sait pas qui sont ces gens en hélicoptère.... les trois événements n'ont peut être rien en commun....Un hélicoptère! Tu sais ce que ça coûte ? C'est pas à la portée d'une bande de petits malfrats. Il doit s'agir d'une opération montée par le gouvernement espagnol.

La jeune fille soupira.

  • C'est la Maison-Dieu .... Ils gouvernent le Monde.

  • La Maison-Dieu ! Qu'est ce que c'est ?

Elle réfléchit un instant puis se décida.

  • Je ne peux pas en parler.

Alex regardait derrière lui.

  • On t'écoute Meritxell, mais si tu as raison ... je dis bien « si », alors tes Maison-Chose vont s'apercevoir qu'ils se sont trompés et vont revenir nous chercher. Là bas – il montrait un groupe de pèlerins qui approchait – ce sont des hollandais qui occupaient le box à côté du mien à l'auberge. On va les attendre et les coller pour avoir l'air d'être ensemble.

Carlos approuva de la tête. Meritxell murmura doucement.

 

 

 

****

 

 

  • Je suis une fille du peuple des oies.

Alex avait déjà entendu cette expression.

  • Le « peuple des oies » ! Tu veux dire une « pédauque », ces réprouvés qu'on appelait les « cagots » dans les Pyrénées autrefois ?

  • Oui, les « cagots », les « chrestias », ici en Espagne on nous appelait les « malditos » . Mais ne m'interromps pas s'il te plaît. Nous vivions ici bien avant l'arrivée des ibères ou des gaulois. Nous étions en paix avec les autochtones.

  • Vous n'étiez pas d'ici ? - demanda Carlos -

  • Non, nous venions d'une île au milieu de l'Atlantique.

  • Les Canaries ! Vous descendiez des Ganches alors ... Vous veniez de chez moi ?

  • Ne me demande pas de détail. Nos ancêtres étaient des survivants et avec eux ils avaient un trésor.

Ils avaient repris leur marche au milieu d'une campagne verdoyante et fertile où prédominaient les vignobles. Alex cherchait du regard d'éventuels lieux de repli au cas où l'hélicoptère reviendrait. Il ne put s'empêcher de ricaner en entendant le mot trésor.

  • Dans les Pyrénées entre celui de Rennes le château, celui des Wisigoths ou celui des Cathares ce ne sont pas les trésors qui manquent ! Le seul trésor connu ce sont les livres qui en parlent et que s'arrachent les gogos en tous genres.

La jeune fille s'énerva.

  • Si je t'ennuie, je peux m'arrêter.

  • Non excuse moi. Ces histoires de trésor à la con me collent de l'urticaire. Dans tout ce que j'ai lu jusqu'à présent je n'ai jamais rien trouvé que l'on ne puisse expliquer de façon rationnelle. Toutes ces foutaises ne tiennent jamais la route dès qu'on les aborde de façon un peu critique. Le Graal ...

  • Tu parles du Graal .... Tu sais ce qu'est le Graal ?

  • Une coupe ayant, soit disant - il insista sur ces mots - servi à recueillir le sang du Christ.

  • C'est la version chrétienne. On a également écrit qu'il s'agissait d'une émeraude tombée du front de Lucifer ... ce qui est une version plus païenne mais aussi beaucoup plus proche de la vérité.

    Alex haussa les épaules excédé.

  • Alors le trésor des « cagots » c'est le Graal ? - il y avait de l'ironie dans la voix du professeur – ça ne te gêne pas « cagots » au fait ? Comment tu veux que l'on t'appelle ?

    Meritxell lui lança un regard noir.

  • Appelle moi Meritxell ! je suis une « oison » ou une dame « oiselle » si tu préfères. Alors si tu ne veux pas m'appeler par mon prénom tu peux toujours dire « mademoiselle », je comprendrais que tu t'adresses à moi.

Alex s'empourpra. Il bredouilla un « excuse moi » gêné lorsque Meritxell ajouta.

  • Dans notre langue on dit « Jack » et ça se prononce « jacques » ... le Graal, pour autant que je sache se trouvait dans le trésor des wisigoths. Les arabes s'en sont emparé lors de la prise de Tolède. Après, je ne sais pas, mais il y a des sages chez nous qui savent très bien où il se trouve.

  • Ben voyons ... Il y a toujours des sages quelque part qui détiennent une soi-disant vérité ... Tu n'as pas dit ce qu'était le Graal.

La jeune fille répondit en regardant ailleurs.

  • Le Graal est une pierre.

  • Une simple pierre !

  • Non, pas une « simple » pierre....La pierre verte ! la « pierre de félicité » ! Elle est l'une des trois pierres de création des mondes.

  • Parce qu'il y a deux autres pierres ! Ce sont des pierres précieuses ?

  • Non, des pierres sacrées, Hars la rouge, la « pierre de force ». Celle que le moyen âge connaissait sous le nom d'Escarboucle.

Alex avait lu le roman de Chrétien de Troyes relatant la quête du Graal ainsi que les légendes médiévales en rapport avec l'escarboucle. Les entendre, dans ce contexte, lui paraissait insolite et grotesque. ..

Il marchait dans la campagne en compagnie d'une ravissante espagnole et d'un surfer canarien en écoutant le type même de récit qu'il s'était toujours refusé de cautionner et pourtant ... Un homme avait été assassiné, André et Victoire avaient été enlevés ... il ne pouvait pas le nier.

Il essaya de ne pas montrer ouvertement ses doutes.

  • Et l'Escarboucle se trouve où ?

  • Elle était sous la garde des templiers jusqu'à leur destruction.

  • Le jeune homme haussa un sourcil. 1314 ! Lorsque Philippe le Bel a fait brûler Jacques de Mollay et les autres dignitaires du Temple... Tu vas nous dire que les Templiers et les jacks étaient liés maintenant ? - le jeune homme avait l'impression de se faire l'avocat du diable.

  • Oui, de nombreux templiers étaient jacks... beaucoup de nos « épées » et de nombreux « deniers ».

Levant les yeux aux ciel, il prit l'air blasé de l'homme qui, décidément, aura tout entendu.

  • Je veux bien ... on a raconté tellement de choses sur les Templiers. Qu'est elle est devenue, cette pierre rouge ?

  • Les hommes de la Maison-Dieu se sont réfugiés au Portugal... puis en Amérique ... Ne me demande pas plus de détails je ne suis pas spécialiste.

  • Et la troisième pierre ?

  • C'est la pierre blanche, Bohor, celle du savoir. La « pierre de gloire ».

  • Où est elle, cette « pierre de gloire » ?

  • Quelque part dans les Pyrénées. C'est ça le secret des Jacks. Enfin le secret de quelques initiés ! Et les hommes de la Maison-Dieu veulent s'en emparer.

  • Pourquoi s'attaquent ils à nous dans ce cas ?

  • J'y pense depuis ce matin. C'est peut être à cause de monsieur Juanes. On a vu quelque chose qu'on aurait pas du voir mais je ne sais pas quoi....

  • Ou alors ils cherchaient quelque chose sur lui qu'ils n'ont pas trouvé - ajouta Carlos .

Meritxell haussa les épaules.

  • Je ne l'ai même pas croisé.

  • Eux ne le savent pas.

  • Moi j'ai quelque chose qui lui appartenait !

Les têtes des deux espagnols se tournèrent simultanément vers Alex.

  • Quoi ?

  • Et bien la crédenciale qu'il a perdue sur le chemin !

  • D'accord – dit Meritxell – mais toi il n'avait aucune raison de te connaître. Donc la Maison-Dieu n'a aucune raison de savoir que tu as cet objet.

  • Sauf que j'ai prétendu devant les deux types de l'église que nous étions ensemble .... et puis tu as dit à ton père au téléphone que j'avais cette crédenciale.

Meritxell se crispa. Ses yeux lancèrent des éclairs.

  • Mon père est un adversaire de la Maison-Dieu, ce n'est pas un ... - elle cherchait le mot français – un félon !

  • Non, bien sûr mais s'ils ont d'énormes moyens – suggéra Carlos - ils peuvent peut être écouter les communications téléphoniques.

Un lourd silence suivit ces derniers mots.

 

 

 

****

 

 

 

Alex marchait d'un pas nerveux. Il tourna la tête vers la jeune fille et observa à la dérobée son profil régulier. Une petite barre soucieuse au dessus des yeux, elle fixait le chemin poussiéreux.

  • Meritxell !

Elle se tourna vers lui.

  • Oui.

  • Je ne mets pas en doute tout ce que tu viens de dire, mais j'ai du mal à l'accepter.

  • Donc tu ne me crois pas.

Une pointe d'amertume perçait dans sa voix.

  • Ce n'est pas ce que je veux dire ! Mais si tout est vrai, pourquoi n'avez vous pas profité de votre pierre comme l'ont fait les gents de la Maison-machin.

  • La Maison-Dieu... Je n'ai pas fini de raconter l'histoire du trésor.

Carlos se rapprocha et demanda d'une voix dont la gaieté était quelque peu forcée.

  • Ah ! Il y a aussi de l'or et des diamants dans le trésor ?

La jeune fille se crispa.

  • Je vous en ai déjà trop dit, je n'en avais pas le droit.

Alex, agacé par ces demi-aveux, la prit par les épaules et la fixa droit dans les yeux.

  • Si tu sais quelque chose qui peut nous aider en ce moment, dis le. Les secrets de ton peuple, s'ils n'ont pas de rapport avec notre affaire peuvent attendre. Mais tu ne dois pas nous cacher quelque chose qui pourrait nous servir si on est vraiment pourchassé par les mecs de la « Maison de merde ».

La jeune fille réfléchissait. Elle maugréa en baissant son regard.

  • Je ne sais rien de vous, toi, Carlos et je ne comprends rien ... Tout ça peut être un coup monté. Comment puis je être certaine de vous ?

Alex se taisait. Effectivement, rien ne prouvait à Meritxell qu'ils étaient de son côté. Lui même ne savait rien de Carlos ... Ce dernier répondit.

  • Moi j'ai du sang ganche dans les veines et je sais ce que c'est que de vivre en réprouvé. Nous étions comme les basques mais nous n'avons pas su résister aux envahisseurs. Pourtant je me souviens que mon grand-père disait : fie toi à ton instinct lorsque tu hésites. Tu as ton intelligence propre mais ton instinct c'est l'intelligence de ton sang, et ton instinct se trompe rarement.

La jeune fille sourit.

  • Mon grand-père aussi disait quelque chose comme ça.

    Son visage s'éclaircit soudain, elle avait pris sa décision.

  • Je vous raconte ce que je sais.... je ne sais pas grand chose, je ne peux pas divulguer de secret interdit... Les trois pierres sont en sommeil et elles se réveillent avec la Vouivre.

Alex écarta les bras, fataliste en prenant le ciel à témoin.

  • La Vouivre maintenant, la Vouivre des légendes. La Vouivre des Celtes.

  • La Vouivre est bien plus ancienne que l'homme. C'est la Déesse mère ou Notre-Dame, c'est la force de la Terre, l'esprit divin...

  • Et cet esprit divin dort ?

Répliqua Alex avec ironie mais Meritxell poursuivi sans relever.

  • La Vouivre est une énergie divine ... je ne sais pas comment dire ! Les anciens la comparait à un grand serpent. Ici, le chemin sacré suit le trajet de la Vouivre parallèle au chemin des étoiles. Cette Vouivre se déplace, ondule, s'enfonce dans les profondeurs du globe pendant les périodes de sommeil. Des périodes qui durent entre sept et huit siècles...

  • Puis elle se réveille !

  • Oui, pour deux ou trois siècles. Des siècles qu'ils faut mettre à profit pour tirer la quintessence des pierres sacrées.

Carlos intervint.

  • La Vouivre se comporte un peu comme les courants marins. Comme El Niño par exemple.

Meritxell hocha la tête.

  • Exactement ! D'ailleurs El Niño est une manifestation de la Vouivre, pourquoi crois tu qu'on lui ait donné ce nom ? C'est le « petit » de la Vouivre.

Alex secoua la tête.

  • Attendez ! là ça part dans tous les sens. Qu'est ce qu'elle fait la Vouivre ?

  • Quand elle se réveille, elle démultiplie la puissance des pierres.

  • Ah d'accord je commence à comprendre.

  • Les pierres seules sont puissantes, les pierres sublimées par la Vouivre deviennent divines... elles peuvent construire des mondes.

Alex était tiraillé entre répulsion et fascination. Il écoutait des lèvres d'une jeune inconnue ce que ses années d'études, ses professeurs et ses convictions intimes lui avaient toujours fait mépriser. Ce que Meritxell racontait était si incroyable, si extraordinaire qu'il ne pouvait y adhérer, même si quelque chose, au plus profond de lui même, lui murmurait que tout était vrai.

 

Carlos poussa un cri en trébuchant sur un gros galet fiché au milieu du sentier.

  • Vous entendez ? L'hélicoptère ! Le revoilà .

  • Fallait s'y attendre ! - lâcha Alex - Ils ont dû s'apercevoir de leur erreur.

Le groupe de hollandais les précédait d'une trentaine de mètres, ils accélérèrent le pas. Avant l'arrivée de hélicoptère la jonction avait été faite.

  • Regardez le sol qu'ils ne puissent pas observer nos visages. Murmura Meritxell.

Les trois jeunes gens inquiets évitaient de s'intéresser au curieux manège de l'appareil qui tournait au dessus de chaque groupe de pèlerins.

L'hélicoptère poursuivit sa course en direction de Cirauqui.

  • J'espère qu'ils n'ont rien fait à Victoire et André.

  • Moi aussi - ajouta Alex – je crois qu'on est tranquille pour l'instant. On continue le chemin comme tout à l'heure. Pas trop loin des hollandais, mais pas trop près non plus pour qu'ils ne nous posent pas de question.

 

Villatuerta, pittoresque village accroché à la colline, se détachait au dessus du rio Iranzu. Estrella n'était plus qu'à une petite heure de marche.

Alex se tourna vers Meritxell.

  • Tu dis que tu n'es pas initiée mais tu balances des informations complètement dingues, des trucs incroyables. Quel est le rapport avec nos types en hélicoptère ? Je crois qu'il faut revenir à l'essentiel en ce moment.

La jeune fille grimaça.

  • Chez les oisons tous les enfants connaissent ces légendes. C'est notre histoire. Mais je vais essayer de faire court. Lorsque la Vouivre s'éveillera, le détenteur des pierres de pouvoir sera doté d'une puissance que l'on ne peut pas imaginer. Et, toujours selon la légende, la Vouivre devrait s'éveiller dans les années qui viennent. Les jacks ont l'une des pierres, la Maison-Dieu en a une autre.

  • D'accord, ça j'ai compris mais nous là dedans ? Tu ne sais pas où est cette pierre et je te crois. J'en ignorais l'existence jusqu'à maintenant.

  • Tu as le document du vieux ! - dit Carlos.- Il y a peut être un rapport avec cette pierre ou l'endroit où elle est cachée.

Un silence suivit cette remarque. Le Canarien demanda.

  • Tu peux nous le montrer ce papier.

  • Oui, il est dans la poche de mon sac.

En marchant Alex dépliait le document, celui ci était couvert de tampons colorés, chaque tampon correspondait au passage dans une auberge du chemin.

Meritxell fit la moue.

  • C'est pas un parchemin, ce n'est qu'une vieille crédenciale.

Alex songeur tournait la crédenciale dans tous les sens.

  • C'est ce que je vous dit depuis le début, mais il y a un truc curieux.... Vous ne voyez pas ?

Carlos et Meritxell hochèrent la tête.

  • Ici, à Estrella nous sommes au début du « camino frances », vous êtes d'accord.

Carlos grommela un « oui », Meritxell hocha la tête.

  • Sa crédenciale devrait être vierge or elle est entièrement remplie, il y a les tampons de toutes les étapes du trajet.

  • Pourtant c'est bien son nom, Juan-Pablo Juanes. murmura Meritxell. Regarde les dates, elles sont de l'année dernière.

  • Ça ne nous apprend pas grand chose.

Carlos s'arrêta.

  • On arrive à Estrella, on distingue un clocher là bas.

Il montrait un édifice en contrebas. Les premières habitations ne tardèrent pas à paraître, puis la vieille ville lovée dans un méandre de la rivière.

Estella, la Tolède du Nord

 

 

  • J'ai peut être tort. Mais si ils nous recherchent, ils doivent forcement nous attendre ici, tu ne crois pas.

  • Tu as raison ... et on ne peut pas rester avec les hollandais jusqu'à l'auberge.

Alex resta silencieux un instant.

  • Il y a bien une solution.

  • Laquelle ?

  • Ils attendaient deux personnes. Depuis qu'ils ont enlevé André et Victoire, ils doivent savoir que nous sommes trois. Séparons nous... un par un.

  • Ils ont nos noms, ils se postent à l'auberge et attendent que nous ayons rempli le registre.

  • Mais ils n'ont pas le tien Carlos. A priori tu n'as rien à voir avec nous deux. Toi tu vas au refuge, nous irons dans un hôtel.

Meritxell s'exclama.

  • Eh ! Je n'ai pas d'argent pour ça, moi.

Alex sourit.

  • Ne t'inquiète pas je paierai la chambre.

La jeune fille rougit.

  • Ça ne va pas ! Je n'ai pas l'intention de partager une chambre d'hôtel avec qui que ce soit.

Lorsqu'Alex réalisa quelles étaient les craintes de la jeune fille il leva les bras au ciel.

  • Chacun sa chambre. Ça te va ? Je t'attends à la gare on cherchera un hôtel ensemble.

Carlos observait la ville le regard un peu vague. Il se retourna.

  • Ça me paraît une bonne idée, en tous cas je n'ai rien de mieux à proposer. Qui se lance en premier

  • Toi, ensuite j'y vais et Meritxell ferme la marche. On te retrouve demain à Iratche.

  • Iratche ! Au monastère ?

Alex avait ouvert son topo-guide.

  • Non, à la fontaine à vin. Elle est sur le chemin.... vers huit heures. Ça te convient ?

  • Oui et si j'ai des infos importantes à vous donner d'ici là ?

  • Je te laisse mon numéro de portable.

Carlos demanda soudain.

  • Et si tu étais sur écoute ? D'après ce que j'ai compris c'est possible.

  • Oui, c'est vrai, c'est possible ... tu as une idée Meritxell ?

La jeune fille hésitait à parler.

  • On pourrait les envoyer sur une fausse piste.

  • Pourquoi pas ! l'étape suivante est Villamayor de Monjardin. C'est à huit kilomètres...en arrivant tu m'appelles d'une cabine. Je te répondrai que nous avons continué vers Villamayor.

Carlos ajouta en arborant un large sourire.

  • Tu peux aussi dire que tu as rencontré des français, que tu voyages avec eux et que Meritxell a trouvé un playboy !

  • C'est cela oui .... un play boy canarien par exemple !

  • Vous avez fini vos idioties tous les deux ? Tu ferais mieux d'y aller maintenant le play boy.

  • J' y vais, j'y vais. Allez ! passez une bonne soirée les amoureux.

Il tournait des talons et s'éloignait en riant tandis que Meritxell se tournait vers Alex le visage fermé.

  • N'imagine pas profiter de la situation.

Alex lui prit une main et la regarda dans les yeux en reprenant un air sérieux.

  • Carlos plaisantait. Ne t'inquiète pas, je ne suis pas un pervers, je n'ai pas l'intention de te sauter dessus.

  • Tu es un français. Les français sont tous - elle appuya sur le tous – des obsédés qui ont un sexe à la place du cerveau.

  • Bon, et bien je sais à quoi m'en tenir quant à ton opinion à mon sujet ! Je ne sais pas dans quel pétrin on s'est fourré. Je ne vais pas te laisser toute seule dans cette situation, même si tu me prends pour un obsédé. Pour l'instant je crois qu'il y a des choses beaucoup plus importantes que d'hypothétiques histoires de cul.

  • Alors je ne te plais pas .....

Alex n'avait pas lâché sa main.

  • Eh merde ! Je n'ai pas dit ça non plus. J'ai simplement dit que nous avions des choses plus importantes à régler pour l'instant.... Je vais te parler franchement . Tu es très jolie mais tu as vraiment un sale caractère. Je ne prends pas pour argent comptant tout ce que tu nous a raconté mais il y a énormément de choses qui m'intriguent dans ces légendes et je suis historien, ne l'oublie pas... Enfin ...Je ne t'aurais pas suivie dans cette histoire si tu m'étais indifférente. Ça te convient comme réponse?

Une lueur brillait dans le regard de Meritxell.

  • Oui Alex, merci !

  • Bon c'est à mon tour. On se retrouve à la gare.

  • Au fait, le train ne passe pas dans la vallée, il n'y a qu'une gare de bus à Estrella... A tout à l'heure Alex.

  • À tout à l'heure. Eh Meritxell !... sois prudente.

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