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Le réveil de la vouivre
3 janvier 2020

chapitre 10

Juan-Antonio Arnautoo n'aimait pas la lumière crue du soleil. Seule une minuscule fenêtre, semblable à une meurtrière, lui offrait un peu de luminosité. Sa main aux doigts courts et épais, une main de tailleur de pierres, caressait l'ardoise sombre de son bureau.

Une bouffée de colère empourpra son visage sévère. Son peuple depuis près de dix mille ans offrait de la confiture à des gorets ! Les larmes aux yeux il songeait aux trésors d'art dont ils avaient parsemé l'Europe lors du dernier réveil de la Déesse. Ces merveilleux instruments d'éveil qu'étaient les cathédrales et dont les hommes n'utilisaient pas le centième des possibilités....

Il jouait avec les objets dispersés sur le bureau, soulevant chacun d'eux par la force de l'esprit, les faisant tournoyer puis les reposant délicatement devant lui. Le vieux jars eut un sourire triste. A quoi servaient les pouvoirs mentaux contre la force brute et la puissance de la Maison-Dieu ? Ne valait il pas mieux offrir aux chevaliers ce qu'ils désiraient afin qu'ils acquièrent une sagesse qui leur faisait tellement défaut ...

 

Un discret coup sur la lourde porte de chêne le ramena à la réalité. Juan-Carlos Madera, son secrétaire-conseiller, à la fois maître de cérémonie et mémoire vivante de son peuple, attendait sur le seuil.

  • Oui, entre Juan-Carlos, je t'attendais.

  • Nous avons retrouvé les assassins de notre frère Juan-Pablo !

Les yeux du vieil homme fixèrent intensément ses doigts. Sa voix exprima une immense lassitude.

  • Je ne peux pas approuver une action qui conduit à la mort d'un être vivant.

  • Ils s'apprêtent à commettre d'autres meurtres. Ils sont à la recherche de jeunes pèlerins ...

Les tremblements de Juan-Antonio ne pouvaient plus être contenus. Le "chanteur de mémoire" s'inquiéta aussitôt.

  • Que se passe t'il Maître ?

  • Je sais pour ces jeunes gens... Nous devons les aider.

Juan-Carlos eut l'air surpris. Mais le Grand-Jars avait pris sa décision.

  • Ces enfants ne doivent en aucun cas tomber entre les mains de la Maison-Dieu..... Nous devons les aider !

  • Je m'occupe immédiatement de donner à tous, les consignes qui s'imposent.

  • Merci Juan-Carlos. Tu convoqueras également une réunion exceptionnelle pour la prochaine pleine lune.

  • Une réunion ! Quel genre de réunion ?

  • Nous allons sauver ces jeunes gens ... il faut que nos frères se préparent à la réunion de toutes les lames... Elle sera précédée d'une céna.

Le "chanteur de mémoire" se figea de surprise.

  • Toutes les lames ! Cela ne s'est plus fait depuis sept siècles !

  • Depuis que la Vouivre s'est endormie, mais maintenant que son réveil est imminent, il est temps. Nous l'espérions tous.

Le jars ne répondit pas et s'éloigna discrètement, son ouïe fine avait perçu le battement d'aile discret d'une colombe qui entrait par l'une des ouvertures du toit.

 

 

***

 

 

 

Quelques heures plus tard Juan-Carlos, le "chanteur de mémoire", se tenait prostré dans un bar de la calle de Portales, une des rues commerçantes de Logroño.

Il tenait dans le creux de sa main un minuscule rouleau de parchemin qu'un des pigeons messagers de Gallion avait déposé à la loge dans la matinée. Les quelques mots écrits sur le billet restaient gravés sur ses rétines en lettres de feu : « Juan-Sanche, héritier de la lame des Aigles, a été retrouvé mort dans un ravin proche de l'Ermita de San Andrian ».

 

La salle était déserte, dehors le soleil brillait et les rares clients avaient choisi de s'attabler en terrasse face à la cathédrale de la Redonda. Le petit jars contemplait avec des nausées le décor de cuivres rutilants et de molesquine fauve imitant le cuir ... Cette profusion de métal et ce simulacre de peau animale lui soulevait le coeur mais une brasserie était un lieu relativement discret.

Une silhouette feminine apparut sur le pas de la porte. La femme, une bohémienne, était âgée d'une trentaine années. Ses traits manquaient de finesse mais son regard brillait d'un éclat sombre. Elle entra sans prononcer un mot. Un sourire éclaira son visage lorsque Juan Carlos lui fit signe.

Elle s'adressa au jars dans le langage des anciens, cette langue chantante que le moyen âge connaissait sous le nom de langue des oiseaux.

  • Bonjour Juan-Carlos.

  • Bonjour Graziela.

  • Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu. Tu vas bien.

Une lueur passa dans le regard du jars. La bohémienne s'excusa. Elle sourit et, de nouveau, ce sourire illumina un bref instant son visage sans grâce.

  • C'est idiot, je me doute bien que si tu m'appelles, c'est que les choses vont mal. Tu sais que par moment j'aimerais que tu m'invites simplement pour boire un café entre amis ...

  • Je sais Graziela. C'est de ma faute.

  • C'est bientôt le réveil .....

  • Le Maître n'est plus tout jeune et j'essaie de le décharger du maximum de ses soucis.

Ils avaient choisi le lieu le plus obscur de l'établissement et discutaient comme des comploteurs en ignorant les regards soupçonneux que certains clients jetaient dans la salle.

  • Je viens de recevoir une nouvelle effroyable et j'ai besoin de ta confirmation avant de l'annoncer au Grand-Jars.

 

La bohémienne tendit la main. Une main aux doigts courts et épais comme ceux d'un homme. Juan-Carlos posa dans sa paume le petit billet plié en quatre. Elle referma les doigts, puis baissa les paupières sans dire un mot. Elle resta ainsi, la tête légèrement renversée vers l'arrière, pendant de longues secondes. Quand elle ouvrit les yeux, ses traits étaient altérés. Une perle de sueur coulait sur sa tempe.

  • Le fils du Grand-Jars a été assassiné hier dans la montagne, poussé dans un ravin par deux hommes habillés comme des militaires.

Elle glissa sa main dans une poche de sa jupe et en sortit un petit jeu de cartes. Un jeu de tarot aux cartes usées par les ans.

  • Tu le reconnais Juan-Carlos ?

  • C'est celui de ta mère ?

  • Oui, celui de ma famille, il a été offert par l'un des vôtres ... il a plusieurs centaines d'années et il est toujours aussi puissant.

  • Tu dis vrai, son énergie .me transperce.. Qu'est ce que tu veux faire ?
  • Tu veux savoir qui étaient ces militaires?

  • Oui bien sûr !

  • Tire quatre cartes s'il te plaît.

Le jars prit les cartes au milieu du paquet.

  • Retourne les.

    La première des cartes représentait « l'empereur ». La voix rauque la bohémienne annonça.

  • Le chef....

En retournant la seconde carte un long frisson parcourut l'échine du petit homme, un frisson de peur et de haine mélangées. Il avait reconnu la tour foudroyée de l'arcane XVI : "La Maison-Dieu".

  • De la « Maison-Dieu » ....

    La troisième carte, l'arcane sans nom, symbolisait la mort.

  • A décidé la mort ...

    La dernière carte, l'arcane sans nombre, était celle du Mat.

  • Des maîtres de la 22ème lame. Tu as ta réponse Juan Carlos.

 

 

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