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Le réveil de la vouivre
22 février 2021

Chapitre 21

L'odeur fade du grand lac flottait dans l'atmosphère, portée par les volutes claires d'une brume légère au dessus de l'eau grise. Une limousine noire s'arrêta devant le hall vitré de la tour centrale, un de ces véhicules monstrueux dont la longueur est proportionnelle à l'importance que s'accorde son propriétaire. Deux hommes vêtus de costumes sombres, aux carures d'athlètes, aux crânes rasés, portant oreillettes et lunettes de soleil sortirent simultanément. Le ballet était soigneusement orchestré et, tandis que le premier prenait position légèrement en retrait de la portière, le second l'ouvrait en guêtant par dessus l'épaule de son acolyte.

Un homme bedonnant d'une soixantaine d'années sortit avec difficulté du véhicule. Sur son visage se lisait la morgue du politicien habitué à ces mesures de sécurité qui soulignaient son statut.

L'individu et ses deux gardes du corps pénétrèrent dans le hall. Une alarme stridente retentit immédiatement. Les deux gorilles portèrent instinctivement la main à leurs holsters mais une dizaine de pointeurs lazer étaient déjà accrochés sur chacun d'entre eux. Le responsable de la sécurité du bâtiment surgit d'un pan de mur. Son regard de glace transperça les trois arrivants.

  • Il est strictement interdit de pénétrer ici avec des armes.

  • Je suis John Folwowitz conseiller personnel du président Bush et j'ai rendez vous avec votre manager.

  • Je vous répète qu'il est strictement interdit de pénétrer ici avec des armes.

  • Ces hommes sont des agents des Forces Spéciales assermentés !

  • Monsieur, êtes vous sourd ou stupide ?

John Folwowitz poussa un grognement en avançant d'un pas décidé tandis que les deux gorilles dégainaient des pistolets automatiques aussi gros que des bazookas.

  • Attendez moi ici pendant que ce monsieur me conduit chez son patron !

     

     

  • Messire, un certain John Folwowitz désire vous rencontrer. Il prétend avoir rendez vous.

  • Faites le rentrer.

Le politicien entra en jurant. Des gouttes de sueur perlaient sur son front dégarni.

  • C'est absolument intolérable !

Sire Kevin Coldebeuf se tenait debout les yeux perdus sur l'immensité du lac. Il se retourna lentement et fixa John Folwowitz un sourire narquois sur les lèvres. Sa voix était sans intonation mais elle fit frissoner son interlocuteur.

  • Ce qui est intolérable c'est que vous vous permettiez de pénétrer dans ce bâtiment avec des gorilles et des armes, sans tenir compte des avertissements que vous recevez !

  • Euh ! Oui je sais mais le protocole l'impose ... vous devez comprendre ...

  • Manifestement c'est vous qui ne comprenez rien ! ... Pourquoi avez vous sollicité une entrevue monsieur Folwowitz ?

L'homme politique était habitué à ce qu'on lui parle sur un autre ton. Il toisa Sire Kevin.

  • Je n'ai pas sollicité une entrevue ... J'ai estimé qu'un entretien disons ... informel était nécessaire.

  • Ça suffit ! Vous vous comportez comme un bouffon ... Allez droit au but, je n'ai pas de temps à perdre avec les pitreries d'un bouffon. Vous êtes là où on vous mis parce qu'on avait besoin de vous. C'est tout.

Le politicien s'empourpra de colère et d'humiliation.

  • Bon, hum .... avec les résultats qui sont ceux que vous connaissez en Irak, je n'ai plus vraiment la cote à la Maison-Blanche.

Sire Kevin haussa les épaules.

  • Simplet fait dans son froc !

  • Monsieur le président n'est pas dans une situation enviable et les élections approchent.

  • Vous avez de bonnes raisons d'être inquiets. D'après nos sondages.... et ils sont très fiables! Vous serez en mauvaise posture dans les deux chambres.

Un spasme secoua les épaules de Folwowitz.

  • Justement, je pensais qu'au regard des services rendus vous pourriez me trouver un point de chute !

Le Nautonier ricana.

  • Les rats quittent le navire et vous ne faites pas partie des rats les plus courageux Folwowitz. Demandez à Simplet la Banque Mondiale ... On vous appuiera. Elle ne sert à rien mais vous avez un bon salaire et vos capacités de nuisances seront réduites à leur plus simple expression.

  • Merci ... Vraiment merci ...Mais euh !

  • Autre chose ?

L'homme politique paraissait de plus en plus mal à l'aise.

  • Voilà, je vous ai servi loyalement depuis le début ...

  • Et vous vous êtes servi largement au passage ...

  • Je voudrais savoir s'il est possible de m'accueillir dans vos rangs. J'appartiens déjà à toutes les loges les plus importantes du pays, j'ai le bras long dans l'administration et ...

  • Non !

  • Comment cela « non » !

  • Non vous ne pouvez pas être admis parmi nous.

  • Mais pourquoi ?

  • Il y a des choses qui ne se peuvent pas ... Vous n'appartenez pas aux familles des « pères fondateurs » non plus ... et quelles que soient votre fortune ou votre puissance vous n'appartiendrez jamais à ces familles.

  • Non mais ...

  • Au mieux si vous trouvez une héritière qui veuille bien se faire engrosser, vos descendants pourront prétendre en être... vous jamais !

  • Vous n'êtes pas des descendants des pères fondateurs que je sache.

Sire Kevin sourit d'un sourire de loup.

  • Non monsieur Folwowitz ... nous étions là bien avant !

Le politicien se liquéfiait sur place, son costume était trempé de sueur. Le Nautonier appela.

  • Rodrigue !

Le chef de la sécurité rentra et se figea devant la porte. À la main il tenait deux sacs en plastique blanc qu'il tendit à Folwowitz. Ce dernier s'en saisit en haussant les sourcils d'un air interrogateur.

  • Rodrigue, raccompagne monsieur Folwowitz.

Le politicien montra les sacs au nautonier.

  • Qu'est ce que c'est ?

  • Ouvrez les !

Dans les sacs se trouvaient les armes des gardes du corps et leurs lunettes de soleil au milieu de cendres grises.

  • Qu'est ce que c'est ?

  • Ce sont vos gardes du corps ! On a laissé leurs dents au fond du sac pour l'identification .... pour que vous puissiez les remettre à leurs familles sans commettre d'erreur... Vous en avez suffisamment fait aujourd'hui. Essayez de vous en souvenir la prochaine fois.

L'homme politique devint blanc comme la craie et fut pris d'un haut le coeur. La voix de sire Kevin retentit lugubre.

  • Je vous déconseille de vomir dans ce bureau si vous ne voulez pas finir comme vos sicaires. Je vous engage à utiliser les toilettes prévues à cet usage dans le hall. Bonne journée monsieur Folwowitz et mes amitiés à « Simplet ».

 

Sire Kevin s'assit dans son fauteuil en faisant la grimace. L'expression favorite de son grand-père lui revint en mémoire : "des couilles-molles". Les pays les plus puissants de la planète étaient dirigés par des "couilles molles" dont les effets de manche et les coups de gueule tenaient de la "comedia del arte" ...

 

Le pouvoir suprème était à portée de ses mains, mais à quel prix !

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