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Le réveil de la vouivre
10 février 2021

chapitre 17

Juan-Pedro et Cécile s'arrêtèrent devant une lourde porte au milieu d'un petit couloir faiblement éclairé.

  • Voilà ta chambre. Tu la partages avec la fille d'un jars d'Atares.

  • Je voudrais aller en ville pour faire quelques achats. Tu crois que c'est possible ? Je n'ai plus rien à me mettre. Je suis partie de chez moi en catastrophe.

  • Oui bien sûr. Tu as de l'argent ?

  • Un peu, suffisamment pour quelques vêtements.

  • Je te retrouverai pour la « cena », n'oublie pas.

  • À quelle heure ?

    Le jars la regarda avec surprise. Il montra son poignet nu.

  • Je ne sais pas, Juan-Carlos lancera l'appel... euh vers la mi-après-midi...

    Cécile fit un petit calcul de tête.

  • Vers seize heures ?

  • Oui ... sans doute - Juan -Pedro tourna les talons – à tout à l'heure.

 

Cécile pénétra dans la chambre, une cellule aux murs aveugles. Deux lits taillés à même la roche, recouverts de matelats de laine, occupaient les côtés de la pièce. Sur une table massive un chandelier projetait sur les murs une lumière dansante.

 

Une jeune femme était allongée sur l'un des matelats, elle ne dormait pas et ses yeux grand ouverts scrutaient le plafond avec intensité.

  • Hola !

Murmura Cécile du bout des lèvres ne sachant si la politesse voulait qu'elle salue la jeune fille ou si elle devait la laisser à sa méditation. Celle ci tourna la tête dans sa direction.

  • Hola !

Une larme brillait au coin de son oeil.

  • Bonjour je m'appelle Cécile ... je viens d'arriver.

La jeune femme essuya négligemment ses yeux avec sa manche.

  • Bonjour, moi c'est Meritxell ... tu es venue pour la réunion des lames ?

Cécile hésita un instant.

  • Oui et non. Je ne suis pas venue pour ça mais je crois que je vais devoir y participer ...

En quelques mots Cécile raconta son aventure à Meritxell, venue s'assoir à ses côtés.

  • Ne t'inquiète pas, ça va bien se passer.

Cécile observait les murs de pierre brute.

  • Il faudrait que j'aille faire quelques achats en ville, est ce que tu veux bien m'accompagner ?

  • Oui ça me changera les idées ... J'ai besoin de voir du monde.

 

En sortant de leur chambre les deux jeunes femmes croisèrent un jars au visage sévère. Agé d'une cinquantaine d'années, un peu plus grand que la moyenne il était aussi brun que Cécile était blonde.

  • Papa !

L'homme se retourna brusquement et dévisagea longuement Cécile sans dire un mot. Cette dernière décocha son plus beau sourire, tout en en articulant son meilleur espagnol.

  • Bonjour monsieur, je m'appelle Cécile.

  • Dans ces murs on parle hargo jeune oiselle.

L'obscurité masqua la subite rougeur qui empourprait le visage de Cécile. Meritxell s'empressa de changer de sujet.

  • On va faire des courses en ville.

Le jars grommela en s'en allant.

  • Tu es une grande fille !

Dès qu'il se fut éloigné, Meritxell dit à voix basse.

  • Ne fais pas attention, il est soucieux en ce moment ...

  • Il a un drôle de caractère !

Un sourire glissa sur les lèvres de l'espagnole.

  • On peut dire ça, c'est vrai... quand on ne le connaît pas vraiment - puis dans un soupir – on le dit aussi quand on le connaît bien.

 

Dans la rue la pluie avait cessé. Les pavés scintillaient comme des pierres précieuses, reflétant les enseignes lumineuses qui s'allumaient une à une.

  • Tu cherches quoi exactement ?

  • Des fringues, des sous vêtements, des chaussures...

  • Tu te rééquipes complètement.

  • Oui je suis partie sans rien.

 

Les deux jeunes filles approchaient de la Plaza del Mercado à proximité de la cathédrale. Sous les arcades, des boutiques pimpantes exposaient les dernières nouveautés madrilènes.

En pénétrant dans l'une d'entre elles Meritxell se figea devant la porte vitrée.

  • Que se passe t'il ? - demanda Cécile.

  • Tu vois le type en imperméable là bas.

Elle se retourna et montra un homme qui photographiait le portail de la cathédrale.

  • Oui et alors ?

  • J'ai l'impression qu'il nous observe.

Cécile entra d'un pas décidé dans le magasin.

  • On verra s'il est toujours là quand on sortira.

Elle choisit deux jeans, quelques chemisiers, un sweet et sufisamment de sous vêtements pour plusieurs jours.

  • Maintenant, il me faudrait une bonne paire de chaussures et un sac.

Elle posait sa main sur la poignée de la porte mais Meritxell la retint par le bras. Au travers de la vitrine elle lui montra l'homme à l'imperméable qui attendait, assis sur un banc, le regard rivé dans leur direction.

  • Tu vois ! Je suis certaine qu'il nous file.

  • Qu'est ce qu'il nous veut ?

  • D'après toi ? ce qu'ils voulaient à ton père ou à ton oncle ...

  • Mais comment m'ont ils retrouvée ?

  • Ils ont des espions partout.

Meritxell s'était retournée vers la vendeuse qui les observait intriguée.

  • Est ce que le magasin aurait une autre sortie .... dans une autre rue madame ?

  • Oui pourquoi ?

Le ton était soupçonneux.

  • Le mari de mon amie la recherche en ce moment sur la place. Il est terriblement jaloux !

La vendeuse sourit complice.

  • Les maris jaloux n'ont que ce qu'ils méritent. Suivez moi.

Elle les entraîna dans l'arrière boutique puis dans un dédale de couloirs et de pièces encombrées de cartons. Elles débouchèrent enfin dans une ruelle étroite.

  • Vous êtes dans la calle Carnicerias. La Plaza del Mercado se trouve de l'autre côté du pâté de maisons.

  • Merci madame.

  • Bonne chance ! S'il vient dans le magasin je lui dirais que vous êtes parties vers le centre ville.

 

Les deux jeunes filles accélérèrent l'allure. Le bruit de leurs pas résonnait sur les pavés. Au croisement de la calle Sagasta et de calle Carnicerias, elles bifurquèrent vers la droite et ralentirent enfin en reconnaissant la silhouette massive de l'église de Santiago.

  • Tu ne crois pas que l'on devient un peu parano ?

Meritxell reprenait son souffle, appuyée contre la balustrade d'une fontaine. Son regard fixait un point derrière Cécile. Celle ci se retourna. L'homme à l'imperméable approchait.

  • Non je ne crois pas.

     

Cécile serrait ses paquets contre elle. Elle repensa à son père. Ses yeux balayaient l'étroite ruelle tandis que son corps et son esprit se tendaient contre l'homme qui arborait un sourire mauvais.

Il n'était qu'à une dizaine de mètres de la jeune fille, enjambant les contreforts d'un échaffaudage, quand un craquement sinistre retentit. L'individu tourna un regard inquiet vers l'assemblage de tubes qui vacillait. Il fit un pas de côté mais ne put éviter l'effondrement de l'ouvrage. Il poussa un cri avant d'être écrasé par l'enchevêtrement de poutres et de férailles.

Les deux jeunes filles prirent leurs jambes à leurs cous.

 

Quelques minutes plus tard en sécurité dans leur chambre elles se répétaient le fil des événements. Meritxell s'était allongée le regard dans le vague.

  • Je ne sais pas ce que voulait ce type, mais si cet échafaudage ne s'était pas effondré on était mal ...

  • Je ne sais pas si c'est le hasard ... j'ai désiré que tout tombe sur lui.

Meritxell se redressa sur les coudes.

  • Tu l'as vraiment voulu ?

  • Oui ...

Soudain Cécile demanda inquiète.

  • Quelle heure est il ?

Meritxell ne portait pas de montre.

  • Il doit être aux alentours de 16 heures pourquoi ?

  • Juan-Antonio m'a demandé d'être présente pour la « céna1 ».

  • La « céna » ! tu dois te rendre à la « céna »?

Meritxell ouvrait de grands yeux ronds.

  • Oui, qu'est ce que ça a d'extraordinaire ?

  • Seuls les maîtres jars sont conviés à une « céna ».

Cécile sourit en levant les yeux au ciel.

  • C'est un peu compliqué mais je t'expliquerai tout à l'heure. Je suis, plus ou moins, maîtresse-jars.

  • Mais ce n'est pas possible.

  • Pourquoi ?

  • Tu es une oiselle !

  • Ben, on verra bien ... On dîne ensemble ce soir ?

Meritxell ne savait plus quoi dire, elle bredouilla.

  • Oui je veux bien. Euh Cécile ! Tu me raconteras ?

 

 

Cécile surgit dans le bureau du Grand-Jars, les joues rouges d'avoir parcouru quatre à quatre les escaliers de la loge. Juan-Antonio et Juan-Carlos l'attendaient en compagnie de trois jacks habillés de leurs costumes traditionnels. Elle se souvenait avoir vu son père et son oncle ainsi vêtus en de rares occasions, avec des vêtements de laine brune, une capeline de bure et un bonnet écarlate. Tous marchaient pieds nus, la taille ceinte d'une écharpe aux motifs fleuris. Deux d'entre eux étaient minces et fluets, presque graciles, le troisième était trapu, avec des sourcils broussailleux qui barraient son front pratiquement d'une oreille à l'autre.

 

  • Nous sommes en retard Dame oiselle ... Cécile ! mets ça sur ta tête.

Juan Antonio lui tendait un bonnet phrygien rouge vif qu'elle s'empressa de coiffer. À la suite des jars, Cécile parcourut de nouveau des centaines de mètres dans un dédale de couloirs tortueux, de pièces vides et sombres .

Une porte au linteau gravé de runes donnait accès à une vaste salle octogonale éclairée par des candélabres. Une voûte d'arêtes, semblable à celle de la chapelle de Torres del Rio, coiffait la pièce. L'étoile à huit branches se dessinait cinq mètres au dessus du sol en courbes élégantes.

Au centre de la salle, douze jars étaient assis autour d'une grande table ronde, monolithe de schiste noir posé sur cinq piliers de marbre rouge. Les sièges étaient de simples cubes de schiste. D'énormes dalles recouvraient le sol sur lequel glissaient leurs pieds nus . Seul le bruit des cannes résonnait sous la voûte de pierre.

Tous ces hommes se ressemblaient plus ou moins, de petite taille, le teint clair et les yeux gris....

 

Juan Carlos arrêta Cécile et ses trois compagnons avant de pénètrer dans la grande salle.

  • On vous appellera chacun à tour de rôle.

 

Juan Antonio debout sur le seuil de la pièce, observait silencieusement l'assemblée des maîtres-jars aussi immobiles que des mannequins de cire. Son regard clair se faisait plus insistant sur les places vides. Sans un mot il gagna un siège isolé dans un coin de la pièce. Il posa son abak sur ses genoux et lança d'une voix caverneuse.

  • Que rentre celui qui prétend détenir la lame de Duirn.

L'un des jars à côté de Cécile dénuda son genou gauche puis avança dans la pièce en tenant son abak au dessus de la tête. La canne de chêne luisait doucement, le corbeau sculpté sur le pommeau semblait vouloir prendre son envol.

L'emplacement où se tenait le Grand-Jars avait sans doute été défini en fonction de son acoustique car la voix de ce dernier emplissait l'espace avec des sonorités sépulcrales. En martelant les mots il vrillait son regard dans celui de l'impétrant qui baissa immédiatement les yeux.

  • Présente toi.

  • Je suis Jérémie de Montréal.

  • Quel est ton ancêtre ?

  • Lug aux longues mains.

  • De quelle pierre tiens tu ton savoir ?

  • La calcédoine

  • De quelle couleur est ton abraxas ?

  • transparente comme la couleur des hommes.

  • Que signifie elle ?

  • Le blanc est la Lumière primordiale infinie qui suscite « l'incolore » et « l'imperméable »... le blanc contient toutes les réalités apparentes sans que l'on puisse les démêler, la transparence est un blanc devenu perméable ....

Une vague mentale submergea le jeune jars qui vacilla un instant. La flamme des candélabres trembla comme soufflée par un courant d'air. Le Grand-Jars se tourna alors vers les maîtres assis autour de la table.

  • L'un d'entre vous s'oppose t'il à ce que Jérémie représente la Lame de Duirn au conseil d'Hargo.

Tous levèrent leur abak au dessus de leurs têtes.

  • Jérémie, dorénavant tu représenteras la douzième lame, prends place à la table du conseil.

Le nouveau maître jars avait un peu plus de trente ans. Ses yeux clairs cherchaient un soutien. Il avança vers le monolithe sombre comme un gamin intimidé. Jean-Jacques se leva, lui prit le bras et lui dit tout bas.

  • Viens ta place est à côté de la mienne.

 

De nouveau, la voix du Grand-Jars tonna caverneuse.

  • Que rentre celui qui prétend détenir la lame de Nion.

Juan Carlos fit signe à un jars fluet et souriant. Ce dernier dénuda son genou et rentra à son tour en levant sa canne sur laquelle était sculptée une bécassine.

Jaime Lamburu venait de Larrasoaña et descendait de la lignée de Thor. Il maîtrisait les éléments, l'orage, la foudre. Sa voix refletait les sonorités métalliques du tonnerre. Il représentait la treizième lame

Le troisième prétendant, aux sourcils broussailleux, se nommait Jésus. Il venait de Pamplona et représentait la huitième lame. En lui demandant de rejoindre sa place le Grand -Jars lui donna le titre de "Maître de Justice".

 

Enfin vint le tour de Cécile. La jeune fille tremblait quand Juan Antonio l'appela.

  • Que rentre celle qui prétend détenir les lames de Muin et de Ngétal.

Un murmure se fit entendre à cette annonce. Lorsque Cécile pénétra dans la pièce, elle ressentit physiquement l'hostilité de certains maîtres jars et ce qui n'était auparavant qu'un murmure se transforma en bronca quand le Grand- Jars posa la première question.

  • Présente toi.

En parlant Juan-Antonio fixait intensément la jeune fille. Elle répondit d'une voix tremblante.

  • Je suis Cécile de Sordes.

  • Quels sont tes ancêtres ?

Une rougeur subite empourpra la jeune fille.Elle bredouilla.

  • Je ne sais pas.

  • De quelles pierres tiens tu tes pouvoirs.

L'esprit perdu, Cécile jettait des regards affolés vers les maîtres jars. Elle glissa la main dans sa poche et sortit les camés remis par son père et son oncle.

  • Ça suffit, cette mascarade a assez duré !

Un maître jars venait de taper du plat de la main sur la table. Cécile reconnut le père de Meritxell.

 

Javier Baïgori s'était dressé livide, les narines pincées et le regard noir. Le Grand-Jars le regarda fixement.

  • Depuis quand te permets tu d'interrompre le rituel.

  • Depuis qu'on se moque de cette assemblée. Que vient faire ici cette oiselle ignorante ? Pourquoi n'avons nous pas été informés de cette comédie ? Tout cela grotesque...

En prononçant ces mots il dévisageait les jars assis à la table du conseil. Certains approuvèrent de la tête, d'autres baissèrent la tête. Seuls Juan-Pedro et Jean-Jacques, affichèrent clairement leur désapprobation devant l'intervention du maître d'Atares.

Juan-Antonio se leva à son tour, il s'approcha de Cécile et passa son bras par dessus l'épaule de la jeune fille.

  • Cécile a reçu les lames de son père et de son oncle. Est ce un bien ou un mal ? Regardez ces places vides. Ce sont nos frères qui ont été assassinés et qui n'ont pas eu le loisir de préparer leur succession car la Maison Dieu ne leur en a pas laissé le temps.

Des murmures s'élevèrent dans la pièce.

  • Jean et Jacques n'étaient pas fous, vous les connaissiez. Je me suis interrogé sur les raisons de leur décision. Je me suis rendu compte qu'ils nous montraient la seule voie. Il est de notre responsabilité de former dès à présent le maximum d'héritiers et rien - il insista longuement sur le mot – rien ne justifie l'exclusion de nos mères, de nos soeurs ou de nos filles. Qui parmi vous peut prétendre qu'elles sont indignes de partager la connaissance des lames ?

Le Grand-Jars prit son temps avant de continuer. Son bonnet de laine rouge frémissait sur sa tête au rythme des mots qu'il martelait avec vigueur.

  • Cécile Capdeplat a hérité des lames de son père et de son oncle. Il ne sert à rien de gloser la dessus.

Javier répliqua le regard buté.

  • Il n'y a jamais eu de femme au conseil.

  • C'est faux ! Il n'y en a pas eu lors de ce cycle, et c'était une faute ! Dans les temps anciens elles ont toujours été présentes. Makeda, Maryam, Autris, ces noms n'évoquent rien pour toi ! Tu devrais demander à Juan-Carlos de te faire un petit cours sur nos traditions... À qui vas tu remettre ta lame ? estimes tu que Meritxell est incapable de te succéder ?

  • Non bien sûr, mais Meritxell est une oison en début de formation.

  • Et si demain la Maison-Dieu fait ce qu'elle a déjà fait à tant d'entre nous ? Ce ne sera pas Meritxell l'élue ?

Javier était moins sûr de lui.

  • Si, peut être.

  • J'ai, selon ces traditions que tu veux ignorer, la prérogative de désigner les membres du conseil sans en référer à qui que ce soit, du moment qu'ils représentent une lame et qu'ils sont les légitimes détenteurs de leur abraxas !

Javier redressa la tête.

  • Alors la "céna" ne sert à rien ! Pourquoi demander nos avis, si ils ne sont pas pris en compte ?

  • Tu as le droit d'essayer de me convaincre Javier. Mais me dire "il n'y a jamais eu de femme", n'est pas un argument susceptible de me convaincre. La céna permet d'introniser et de présenter les nouveaux maîtres jars.

  • Cette gamine ne maîtrise aucun des pouvoirs du chemin, elle n'a même pas les pouvoirs de ses lames. Elles ne peut pas les représenter. Elle n'a pas les connaissances pour cela... ou plutôt, elle n'a aucune connaissance.

Le jars d'Atares venait de mettre le doigt sur le vrai problème. Un frémissement parcourut l'assemblée des jars.

  • Tu as raison sur ce point mais ses abraxas l'ont désignée comme dépositaire du savoir. Les pouvoirs ne sont pas révélés mais ils sont en elle. Nous le savons tous. Notre "crieur" a été rappelé auprès de la Déesse et personne ne remet en doute la légitimité de Jonathan qui a reçu l'abraxas. Pourtant nous savons qu'il est encore un enfant. Nos frères de Gallion se chargent de l'éduquer. Nous formerons Cécile de la même façon, c'est de notre responsabilité.

  • Pourquoi devrait elle siéger au conseil dans ces conditions ?

Le Grand-Jars leva les yeux au ciel.

  • Même sans ses pouvoirs elle est la messagère de ses lames. À ce titre elle doit être présente pour la lecture de la règle jakin.

Un vieux jars leva alors son abak. Juan Antonio fit un signe de la main.

  • Parle Jérôme.

Le jars s'exprimait d'une voix chevrotante.

  • Je comprends la surprise de Javier mais j'approuve la décision de Juan Antonio. Nous sommes arrivés à une période cruciale. Tous les jours les nôtres sont victimes des renégats. Il y a eu Jean et Jacques, le père et l'oncle de cette jeune fille. Hier Juan-Antonio a perdu son fils Juan-Sanche !

Un silence lourd suivit cette révélation, le vieux jars continua en tremblant.

  • Juan-Sanche a été assassiné dans la montagne ... demain ce seront vos enfants ! alors arrêtons de nous chamailler et concentrons nous sur l'essentiel: retrouver Bohor. Lorsque nous serons en possession de la pierre de gloire nous aurons tout notre temps pour former cette jeune fille et faire d'elle une véritable maîtresse jars. Mais pour l'instant il importe de laisser vacantes le moins de places possible autour de cette table. Si nous refusons à cette jeune fille de siéger, qui pourra prétendre le faire à sa place ?

Le regard du Grand-Jars s'était embué à l'évocation de son fils. Il se racla la gorge avant de reprendre.

  • Jérôme a parlé avec sagesse, que ceux qui s'opposent toujours à la présence de Cécile au conseil le disent.

Aucune voix ne s'éleva dans la salle. Juan Antonio prit la jeune fille par la main et la conduisit à la table où il lui montra deux sièges.

  • Choisis ta place. Tu siégeras ici dorénavant.

 

 

 

****

 

 

 

  • Eh bien ! Ça va pas fort on dirait !

Cécile était allée directement s'allonger sur son lit. Meritxell lisait une revue.

  • Non, c'est pas terrible.

  • Ça c'est mal passé à la céna.

  • Si l'on veut ... ton père n'a pas été très ... compréhensif.

Meritxell vint s'assoir sur le lit de Cécile. Elle murmura entre ses dents.

  • C'est vrai qu'il est chiant quand il joue au macho.

  • J'avais pas l'impression qu'il jouait. Il m'a fait passer pour une idiote incompétente.

  • Je préfère penser qu'il joue la comédie et qu'il n'est pas vraiment comme ça ... Allez viens, on se fait une virée ce soir. Moi aussi j'ai des choses à oublier.

Meritxell s'était levée et se dirigeait vers la porte. Cécile la suivait, elle s'arrêta soudain soucieuse.

  • Tu n'as pas peur de retomber sur le mec de cet après midi ?

Meritxell haussa les épaules.

  • On s'en fiche, il doit être à l'hosto en ce moment. On va dans le centre ville. Il y a des bodegas près de la fac, il y aura de l'animation, ça nous changera les idées.

Cécile regardait autour d'elle d'un air morose.

  • Tu étais déjà venue ici ?

  • Non jamais.

  • Plutôt que d'aller en ville ça te dirait de visiter les lieux ?

La jeune espagnole réfléchit un instant et hocha la tête avec gourmandise. Ses yeux brillaient.

  • J'ai toujours rêvé de visiter une loge. à Atares mon père n'a jamais voulu me montrer les sous sols de la nôtre.

 

Les couloirs se démultipliaient selon une logique incertaine. Ils se ressemblaient tous, sombres, humides, voûtés, sinueux. Des escaliers montaient et descendaient au gré des mouvements de terrains. Les couloirs débouchaient souvent dans des pièces vides, plus ou moins vastes et aux formes variées.

  • Tu sais à quoi ça sert tout ça ? - demanda Cécile -

  • Je sais qu'autrefois il fallait loger tous ceux qui travaillaient au grand œuvre. Il doit y avoir des salles de réunions, et aussi des salles de tracés, des réfectoires.

Elles débouchèrent dans une vaste pièce dont le pavement en damier se composait de carrés de plus de deux mètres de côtés.

Une voix forte retentit derrière elles, les glaçant de stupeur.

 

 

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