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Le réveil de la vouivre
8 février 2021

chapitre 15

 

  • En clair .... vous me virez comme un malpropre !

  • Non monsieur Malher, mais cette histoire, comme vous dites, ne vous concerne plus.

  • A part le fait qu'une bande de tarés me cherche des noises depuis trois jours, effectivement je ne suis pas concerné. Maintenant que vous avez votre bout de papier vous m'envoyez balader. Démerde toi Alex ! Et si les autres m'attendent dehors ?

  • Vous ne les intéressez plus !

  • Vous non plus d'ailleurs à ce que je vois. Vous avez ce que vous cherchiez.

Alex, furieux, tournait dans le bureau en faisant de grands gestes. Juan-Antonio, assis derrière son bureau de pierre, restait d'un calme olympien, tandis que Meritxell et Juan-Carlos se taisaient gênés.

  • Qu'est ce que vous voulez exactement monsieur Malher ? De l'argent !

Alex haussa les épaules.

  • Votre fric j'en ai rien à fiche. J'en ai plus qu'il ne m'en faut !

  • Alors quoi ?

  • Participer à ces recherches à vos côtés, aux côtés de Meritxell.

  • C'est impossible !

  • Pourquoi ?

  • Vous n'êtes pas des nôtres, vous n'êtes pas un Jack.

    Alex se pencha vers Juan-Antonio et riva son regard dans le sien.

  • Ce genre de réflexion, ça s'appelle du racisme ! Vous me rejetez comme les vôtres furent rejetés ... vous croyez que c'est comme cela que les choses pourront s'arranger pour vous. Vous prétendez avoir été pourchassés pendant mille ans ! Quelle bonne blague ! C'est votre ostracisme et votre morgue qui vous ont menés où vous en êtes. Mais c'est plus facile de rejeter la faute sur les autres, n'est ce pas, monsieur le roi des parias ?

L'argument fit mouche. Le regard du Grand-Jars se figea.

  • Non, pas en ce moment. Vous ne devez pas connaître l'identité des jars. Il en va de notre survie monsieur Malher. Vous êtes historien je crois ?

Alex parut se calmer.

  • C'est exact. Je préparais une thèse sur les bâtisseurs des Pyrénées. Vous comprendrez que ma curiosité à votre égard n'a rien de malsaine. Pour être très franc, j'avais même un à priori favorable pour vos ancêtres.... Jusqu'à ce que je fasse votre connaissance monsieur.

  • Je le vois à votre aura monsieur Malher. Si ce n'avait pas été le cas vous ne seriez pas là.

Il n'y avait aucune menace dans la voix, la simple affirmation d'une vérité qui fit frémir le jeune homme.

  • J'espère que nous nous reverrons monsieur Malher. Lorsque notre affaire sera réglée et que nous pourrons discuter en toute liberté.

Précédé de Juan-Carlos, Alex se dirigeait vers la porte. Soudain il se tourna vers Meritxell et demanda d'une voix qu'il aurait souhaité plus ferme.

  • Tu as pris ta décision .

Meritxell hocha la tête sans répondre. Alex insista.

  • Pourquoi ? Oh et puis merde! J'en ai marre de toutes ces conneries. Je te souhaite bien du plaisir. J'espère que tu n'auras pas de regret.

Il n'attendit pas la réponse de la jeune fille et sortit le visage fermé. Juan-Carlos le conduisit jusqu'à la sortie où l'attendait Jean-Jacques. Ce dernier sentit l'extrême énervement d'Alex.

  • Je te raccompagne à ton hôtel ?

Alex haussa les épaules.

  • Oui, je récupère mon sac et je pars pour Najera. J'ai encore quelques centaines de kilomètres à parcourir avant d'arriver à Santiago ...

 

Logroño le jour

 

Les deux hommes déambulaient dans les vieilles rues de Logroño. Des nuages noirs s'amoncelaient au dessus des toits. Une raffale de vent emporta un sac en plastique au milieu d'un tourbillon de feuilles mortes. Alex eut l'impression de n'être rien de plus que ce sac dans la tornade...

 

 

  • Ne prends pas mal la décision du Grand-Jars. Essaye de comprendre.

  • Je l'ai très bien comprise. Pas d'emmerdeur étranger !

Jean-Jacques leva les yeux au ciel.

  • Il n'y a pas que cela. Il ne sait pas ... nous ne savons pas jusqu'à quel point on peut te faire confiance. Ça fait mille ans qu'on en prend plein la gueule parce que nos arrière-arrière-grands-parents ont accordé leur confiance à des mecs qui ne la méritaient pas.

Alex secoua la tête.

  • Il n'y a pas que ça ...

  • C'est la petite Meritxell !

  • J'en sais rien ... je sais plus.

  • Tu es vexé parce qu'elle a préféré rester ici ?

  • Pas vexé, déçu ! je pensais qu'elle m'accompagnerait...je le désirais vraiment. Maintenant je m'en fous.

Le jack hésita un instant.

  • Je ne devrais pas te le dire. Ça ne me regarde pas ... Mais hier soir elle a vu son père. Il lui a demandé de rester. Je crois que cette décision a été prise par son père et le Grand-Jars. Alors si elle ne t'accompagne pas, ce n'est peut être pas de sa faute !

Alex sourit tristement.

  • Ça ne change pas grand chose au résultat, tu ne crois pas.

Les deux hommes approchaient de la Plaza de San Augustin. Les commerçants s'apprêtaient à ouvrir leurs magasins, employés de bureau et fonctionnaires se hâtaient vers leurs lieux de travail avec la nonchalance des gens du Sud. Lorsque les premières gouttes tombèrent le mouvement de la foule s'accéléra imperceptiblement.

  • Où est ce que tu habites en France ? - demanda Alex.

  • À Mauléon.- répondit Jean Jacques.

  • Tu fais quoi ?

  • Je suis charpentier.

  • Tu es un maître, toi aussi?

Le français sourit et montra son oreille où brillait un petit anneau d'or.

  • Oui !

  • Tu as des enfants ?

Le visage de Jean-Jacques s'assombrit.

  • Oui .... un garçon.

Alex comprit que le jars ne souhaitait pas aborder ce sujet.

  • Tu seras à la réunion demain ?

  • Oui.

  • Si tu vois Meritxell tu peux lui laisser mon numéro de téléphone et mon adresse en France. Si elle souhaite me contacter ...

Jean-Jacques, le visage radouci, prit la carte que lui tendait Alex.

  • Je ne suis pas devin mais je pense que tu auras de ses nouvelles...

 

 

 

****

 

 

 

Le "camino frances" se perdait dans les faubourgs de Logroño. Après avoir franchi une rocade puis une autoroute, Alex longea un petit lac au milieu d'un grand parc boisé, le Pantano de la Grajera. Des cygnes s'approchèrent pour quémander un bout de pain, mais le jeune homme avait l'esprit ailleurs. Il passait et repassait en boucle le film des journées écoulées. Meritxell, Carlos, André, Jean-Jacques ... tout cela lui semblait à la fois très proche et très éloigné. Ces histoires de cagots, de trésor, tous ces mots étonnants mais qui sonnaient justes entre les lèvres de la jeune pyrénéenne... Ce sourire qu'il ne verrait peut être plus jamais.

Le soleil brillait enfin et les douze kilomètres qui séparaient Logroño de Navarrete furent rapidement parcourus .

 

Navarrete ! Le nom de la vieille cité avait une résonance particulière dans ses oreilles. Du Guesclin, le chevalier présenté dans les manuels d'histoire comme étant un génial pourfendeur d'anglais y avait reçu une mémorable déculottée ! Alex se souvenait qu'en lisant le récit de cet épisode peu glorieux il avait imaginé une sorte de Waterloo, une morne plaine sombre et romantique... Navarrete était une triste bourgade poussiéreuse aux rues sales et désertes.

 

Au loin des cloches sonnaient midi. Alex ressentit des tiraillements au creux de l'estomac, il n'avait pas mangé depuis près de vingt quatre heures. Il aperçut une épicerie dont les étals de fruits envahissaient le trottoir.

La patronne ne parlait que le castillan, mais, à grand renfort de gestes, il réussit à se faire confectionner un sandwich au jambon sec.

En sortant de la boutique, le jeune homme encombré de son sac à dos bouscula une passante qu'il retint de sa main libre, celle ci poussa un petit cri. C'était une gitane toute de noir vêtue. Il s'écarta immédiatement, mais elle lui avait saisi le bras.

  • Viens dehors !

Elle parlait français avec un accent chuintant. Le jeune homme gêné suivit la bohémienne. Elle l'entraîna à l'abri d'un porche sans le lâcher.

  • Je suis Graziela... je suis une amie.

Alex frémit en entendant ce mot. Il hésita sur la conduite à tenir, le souvenir de la trahison de Carlos était encore trop frais dans sa mémoire. La bohémienne lui avait pris la main. Elle lui dit en le regardant droit dans les yeux.

  • Tu es l'étranger ... Ils ont besoin de toi ! Tu ne dois pas les abandonner.

Alex se raidit en comprenant qu'elle parlait des jacks

  • Ce sont eux qui m'ont chassé !

  • Tu ne dois pas être impatient ou curieux ... tu aimes la jeune fille ?

Il y avait une nuance interrogative dans la voix. L'image de Meritxell qu'il cherchait désespérément à oublier lui arracha une grimace.

  • Oui, je crois ... je ne sais pas. Elle n'a rien fait pour me retenir.

  • Elle ne pouvait pas, mais elle a besoin de toi. Ils ont tous besoin de toi.

Alex sentait colère et frustration monter en lui.

  • S'ils ont besoin de moi, ils n'avaient qu'à le dire quand il était temps. Je ne vais certainement pas faire demi-tour.

  • Qui te demande de faire demi-tour ?

  • Je ne sais même pas ce qu'ils font ! Et puis je m'en fous ... merde !

Un léger voile passa dans le regard de la bohémienne.

  • Il faut que tu sois à San-Juan-de-Ortega dans trois jours.

Les yeux de la femme s'éclaircirent. Elle lâcha la main d'Alex et s'éloigna en riant

 

Alex restait planté là, son sandwich à la main. Il s'assit sur un muret et sortit son guide. Saint-Juan-de-Ortega se trouvait justement à trois jours de marche. Il finit son repas et reprit sa route.

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